Une vigilance accrue sur la responsabilité du dirigeant en matière de licenciement économique
La Cour de cassation vient de rappeler une règle essentielle : un licenciement économique ne peut reposer sur des difficultés créées par les fautes de gestion du dirigeant lui-même. Cette décision du 12 février 2025 (Cass. soc., 12 févr. 2025, n° 23-22.033) souligne à nouveau combien les choix de gestion ont un impact juridique direct sur la validité des licenciements économiques.
Dans un contexte où de nombreuses entreprises font face à des tensions économiques, cette jurisprudence invite les employeurs à documenter avec rigueur l’origine réelle des difficultés invoquées pour sécuriser leurs procédures.
Les fondements juridiques du licenciement économique
Le licenciement pour motif économique repose sur des critères strictement encadrés par le Code du travail. Conformément à l’article L1233-3 du Code du travail, il doit être justifié par l’une des causes suivantes :
– des difficultés économiques
– des mutations technologiques
– une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité
– ou la cessation d’activité de l’entreprise
Les difficultés économiques doivent notamment se traduire par des indicateurs objectifs (baisse de chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, dégradation de la trésorerie, etc.).
Cependant, la jurisprudence constante précise que ces difficultés ne peuvent pas résulter de fautes de gestion imputables à l’employeur.
Un rappel de la Cour de cassation : faute de gestion = licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dans l’affaire jugée le 12 février 2025, une salariée conteste son licenciement économique. Elle fait valoir que les difficultés financières avancées par l’employeur trouvent leur origine dans des fautes graves de gestion commises par le gérant – fautes qui ont conduit à une interdiction de gérer.
La Cour de cassation lui donne raison : si les difficultés économiques sont directement causées par une mauvaise gestion, le licenciement est automatiquement privé de cause réelle et sérieuse.
Ce faisant, la Cour réaffirme que le motif économique ne saurait masquer des erreurs managériales ni servir de « paravent » pour dissimuler une responsabilité personnelle du dirigeant.
Conséquences pratiques pour les employeurs et dirigeants de PME
Cette décision a plusieurs implications concrètes :
– Le dirigeant engage potentiellement la responsabilité de l’entreprise par ses choix stratégiques ou financiers
– Toute procédure de licenciement économique doit s’accompagner d’une analyse objective et documentée des causes des difficultés
– Une gestion risquée ou défaillante ne pourra justifier un plan de licenciement, même en cas de situation financière dégradée
Les TPE et PME sont particulièrement concernées, car la frontière entre les décisions personnelles du dirigeant et la trajectoire économique de l’entreprise y est souvent ténue.
Conseil de l’avocat : anticipez, tracez, sécurisez
Pour éviter qu’un licenciement économique ne soit annulé, nous conseillons aux employeurs de :
– Justifier par des éléments chiffrés l’origine externe des difficultés : perte de clients, hausse des coûts, contexte sectoriel défavorable, etc.
– Éviter toute confusion entre fautes de gestion et conjoncture économique
– Réaliser un audit préalable de la situation économique avant tout licenciement collectif ou individuel pour motif économique
– Documenter les décisions de gestion (investissements, restructurations, stratégies) afin de démontrer leur cohérence au regard des enjeux de l’entreprise
En cas de contentieux, ces éléments permettront de démontrer la légitimité du licenciement et de protéger l’entreprise contre un risque prud’homal accru.
Référence juridique
Cass. soc., 12 février 2025, n° 23-22.033
Article L1233-3 du Code du travail
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