CSE training: what are the employer’s obligations and how to avoid common mistakes?

Employeur et DRH organisant la formation obligatoire des élus du CSE dans une PME, autour d’un dossier de formation en réunion

Dès la mise en place d’un comité social et économique (CSE), l’employeur est tenu par plusieurs obligations légales, notamment en matière de formation des représentants du personnel. Trop souvent négligée ou mal encadrée, la formation des élus du CSE constitue pourtant un levier essentiel de bon fonctionnement du dialogue social et une obligation juridique encadrée par le Code du travail. Pour un employeur, il s’agit de comprendre précisément ce qu’il doit mettre en place, dans quels délais, à quelles conditions de financement, et ce qu’il risque en cas de manquement.

Former les élus du CSE : une obligation légale de l’employeur

Dans toute entreprise d’au moins 50 salariés, l’employeur est tenu de permettre aux membres titulaires du CSE de bénéficier d’une formation économique. Cette formation est prévue par l’article L2315-63 du Code du travail, pour une durée minimale de 5 jours lors du premier mandat.

Par ailleurs, pour tous les membres du CSE, qu’ils soient titulaires ou suppléants, une formation en santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) doit également être organisée. Cette formation est obligatoire dès lors que l’entreprise atteint 11 salariés, conformément à l’article L2315-18 du Code du travail, et sa durée varie de 3 à 5 jours selon la taille de l’établissement.

Dans les deux cas, ces formations doivent être réalisées dans un délai raisonnable après l’élection, afin de permettre aux élus d’exercer effectivement leurs missions. Le temps passé en formation est considéré comme du temps de travail effectif et ne doit entraîner aucune perte de rémunération.

Qui finance la formation des élus ? Les règles à connaître

L’article L2315-61 du Code du travail distingue deux types de formation :

  • La formation SSCT (santé, sécurité et conditions de travail) est entièrement à la charge de l’employeur. Elle comprend les frais pédagogiques, les frais de déplacement et, le cas échéant, d’hébergement.

  • La formation économique, quant à elle, est financée via le budget de fonctionnement du CSE, sauf accord plus favorable. Il est donc essentiel pour l’employeur d’informer les élus de cette distinction et de veiller à ce que les budgets soient correctement provisionnés.

Quels sont les risques en cas de non-respect ?

Ne pas organiser la formation obligatoire du CSE constitue une entrave au fonctionnement du comité, infraction pénalement sanctionnée par l’article L2317-1 du Code du travail. L’employeur s’expose à :

  • Une amende pénale pouvant aller jusqu’à 7 500 €

  • Une demande judiciaire des élus pour obtenir la formation à titre rétroactif

  • Des tensions sociales et blocages dans les échanges entre direction et représentants du personnel

  • Un affaiblissement des garanties de prévention en matière de santé et sécurité, avec une possible mise en cause en cas d’accident du travail

Conséquences pratiques pour les employeurs de PME

Dans les entreprises de 10 à 200 salariés, où les ressources internes sont souvent limitées, l’oubli ou la mauvaise organisation de ces formations peut avoir des conséquences lourdes. Un élu mal formé est moins autonome, moins constructif en réunion, et plus dépendant de conseils extérieurs parfois peu objectifs.

À l’inverse, un comité bien formé :

  • comprend les enjeux économiques et sociaux de l’entreprise

  • maîtrise les règles de base du droit du travail

  • propose des actions pertinentes en matière de prévention des risques

  • devient un partenaire de dialogue plus structuré et efficace

C’est aussi un facteur de réduction du turn-over, d’amélioration du climat social, et de prévention des conflits.

Conseil de l’avocat : sécuriser l’organisation des formations CSE dès l’élection

Pour respecter vos obligations et prévenir tout contentieux, nous vous recommandons de :

  • Planifier les formations dans les semaines suivant l’élection du CSE

  • Vérifier les durées légales applicables selon les effectifs et les mandats

  • Choisir un organisme agréé, notamment pour la formation SSCT, afin de garantir la validité juridique du contenu

  • Distinguer clairement les financements selon le type de formation (employeur vs budget de fonctionnement du CSE)

  • Conserver les convocations et attestations de formation dans le dossier social de l’entreprise

N’oubliez pas qu’un avenant ou un protocole d’accord préélectoral peut aussi préciser les modalités de prise en charge, le calendrier, voire intégrer la formation dans un plan de développement des compétences.

Références juridiques à retenir

Code du travail :

  • Article L2315-18 (formation SSCT)

  • Article L2315-63 (formation économique)

  • Article L2315-61 (prise en charge financière)

  • Article L2317-1 (sanction en cas d’entrave)

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.

Professional interview: how to manage employee requests for development?

Manager RH échangeant avec un salarié sur ses perspectives d’évolution professionnelle lors de l’entretien obligatoire

Every two years, companies are obliged to organize a professional interview with their employees to discuss their career path and development prospects. While this discussion may provide an opportunity for an employee to make a request for development, it is not a conventional appraisal interview: it is a key moment governed by the French Labor Code.

How should employers prepare for and manage these requests? What are their rights and obligations, and what risks do they need to anticipate?

A structured legal framework: the biennial professional interview

Since the 2014 reform of professional training, Article L. 6315-1 of the French Labor Code requires employers to organize a professional interview every two years, separate from the appraisal interview.

This discussion focuses exclusively on the employee’s career development prospects: acquisition of new skills, internal mobility, training needs, plans to move up the hierarchy or salary scale, etc.

The professional interview is mandatory and must be formalized. Every six years, the employer must also propose a summary of the employee’s career path.

Case law: the professional interview under the judge’s eye

Recent case law confirms that the professional interview is an employee’s right, and that its organization is a legal obligation for the employer.

📌 Lyon Court of Appeal, November 30, 2023: an employee claims that her employer failed to meet its obligation to conduct a professional interview. As a result, the company is ordered to pay €3,000 in damages for failure to comply with the obligation to provide information and follow-up.

This type of decision shows that negligence in this area can lead to litigation, particularly if the employee considers that his career has stagnated without justification.

What can (or should) the employer do when faced with a request for development?

During the professional interview, an employee can :

  • Request training,

  • Request a hierarchical development or a change of position,

  • Seek an increase in responsibilities,

  • Or express a desire for internal mobility.

The employer is not obliged to accept these requests, but must :

  • Listen and explain your answer,

  • Guarantee equal treatment for all employees,

  • Propose realistic alternatives if the project is not immediately feasible.

Advice from a lawyer: secure the professional interview and the management of change

As an employer, here are 5 best practices for securing your professional interviews:

  1. Prepare each interview in advance with objective information on the employee’s career path.

  2. Document exchanges: draw up a framework and keep signed minutes.

  3. Respond clearly to requests for change: justify each position.

  4. Anticipate disputes: ensure equal treatment to avoid any discrimination or breach of equality.

  5. Propose realistic alternatives: coaching, training, mentoring, deferred promotion.

Legal references

  • Article L. 6315-1 of the French Labour Code

  • Lyon Court of Appeal, November 30, 2023, no. 21/05324

AI surveillance of employees: how far can employers legally go?

Manager RH consultant des données de performance issues d’un logiciel d’intelligence artificielle en entreprise

Introduction
Artificial intelligence (AI) is increasingly making its way into human resources management, promising to save time and increase efficiency. But at a time when certain tools enable permanent, ultra-precise monitoring of employee activity, a crucial question arises: how far can AI monitor without infringing employment law and employee privacy? The answer now lies as much in the legal field as in the technological one.

The legal framework for surveillance at work
Employee surveillance is governed by several texts, including the French Labor Code and the General Data Protection Regulation (GDPR). According to Article L.1222-4 of the Labor Code, “no information concerning an employee personally may be collected by a device that has not been brought to the employee’s attention beforehand”.

When it comes to personal data, the RGPD imposes on employers an obligation of transparency, proportionality and legitimate purpose. In concrete terms, any automated data processing (such as activity analysis via AI) must be justified, declared to the CNIL, and employees must be informed in a clear and comprehensible manner.

Case law is equally clear: the introduction of a surveillance system requires prior information and consultation with employee representatives (CSE), and its use must be proportionate to the intended purpose.

Recent case law: the limits set by judges
In a ruling handed down on November 10, 2021 (Cass. soc., no. 20-12.263), the French Supreme Court reiterated that an undeclared generalized surveillance system cannot produce evidence admissible in court. In this case, an employer had used monitoring software without clearly informing employees: the evidence produced by this software was rejected by the judges.

Another point to watch out for: case law regularly invalidates devices deemed too intrusive, such as constant webcam surveillance or keyloggers, which disproportionately infringe employees’ privacy.

Practical consequences for employers
AI tools can be valuable allies in time management or risk prevention, provided they are used sensibly. Employers must imperatively:

– Inform employees in a clear and documented manner
– Ensure that data processing is justified and proportionate
– Avoid any permanent or concealed monitoring devices
– Consult the CSE before deploying a monitoring tool
– Keep a register of processing (RGPD)

Failure to do so may result in the data collected being deemed unlawful, and employers exposed to civil or even criminal penalties.

Our advice
The use of artificial intelligence to monitor employees must be accompanied by a rigorous legal framework. To avoid any risk of litigation, we recommend :

  • Regularly audit HR tools to verify compliance

  • Draw up an information memo for employees specifying the purpose of the tools used

  • Involve the Data Protection Officer (DPO) and employee representatives right from the start.

  • Give preference to ethical, transparent AI solutions whose algorithms can be explained.

Legal references

  • French Labor Code, art. L.1222-4

  • General Data Protection Regulation (GDPR)

  • Cass. soc., November 10, 2021, no. 20-12.263

Need to secure your HR practices? We can help.

Redundancy: when the manager’s mismanagement renders the procedure illegal

Une vigilance accrue sur la responsabilité du dirigeant en matière de licenciement économique

La Cour de cassation vient de rappeler une règle essentielle : un licenciement économique ne peut reposer sur des difficultés créées par les fautes de gestion du dirigeant lui-même. Cette décision du 12 février 2025 (Cass. soc., 12 févr. 2025, n° 23-22.033) souligne à nouveau combien les choix de gestion ont un impact juridique direct sur la validité des licenciements économiques.

Dans un contexte où de nombreuses entreprises font face à des tensions économiques, cette jurisprudence invite les employeurs à documenter avec rigueur l’origine réelle des difficultés invoquées pour sécuriser leurs procédures.

Les fondements juridiques du licenciement économique

Le licenciement pour motif économique repose sur des critères strictement encadrés par le Code du travail. Conformément à l’article L1233-3 du Code du travail, il doit être justifié par l’une des causes suivantes :
– des difficultés économiques
– des mutations technologiques
– une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité
– ou la cessation d’activité de l’entreprise

Les difficultés économiques doivent notamment se traduire par des indicateurs objectifs (baisse de chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, dégradation de la trésorerie, etc.).

Cependant, la jurisprudence constante précise que ces difficultés ne peuvent pas résulter de fautes de gestion imputables à l’employeur.

Un rappel de la Cour de cassation : faute de gestion = licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dans l’affaire jugée le 12 février 2025, une salariée conteste son licenciement économique. Elle fait valoir que les difficultés financières avancées par l’employeur trouvent leur origine dans des fautes graves de gestion commises par le gérant – fautes qui ont conduit à une interdiction de gérer.

La Cour de cassation lui donne raison : si les difficultés économiques sont directement causées par une mauvaise gestion, le licenciement est automatiquement privé de cause réelle et sérieuse.

Ce faisant, la Cour réaffirme que le motif économique ne saurait masquer des erreurs managériales ni servir de « paravent » pour dissimuler une responsabilité personnelle du dirigeant.

Conséquences pratiques pour les employeurs et dirigeants de PME

Cette décision a plusieurs implications concrètes :

– Le dirigeant engage potentiellement la responsabilité de l’entreprise par ses choix stratégiques ou financiers
– Toute procédure de licenciement économique doit s’accompagner d’une analyse objective et documentée des causes des difficultés
– Une gestion risquée ou défaillante ne pourra justifier un plan de licenciement, même en cas de situation financière dégradée

Les TPE et PME sont particulièrement concernées, car la frontière entre les décisions personnelles du dirigeant et la trajectoire économique de l’entreprise y est souvent ténue.

Conseil de l’avocat : anticipez, tracez, sécurisez

Pour éviter qu’un licenciement économique ne soit annulé, nous conseillons aux employeurs de :

Justifier par des éléments chiffrés l’origine externe des difficultés : perte de clients, hausse des coûts, contexte sectoriel défavorable, etc.
Éviter toute confusion entre fautes de gestion et conjoncture économique
Réaliser un audit préalable de la situation économique avant tout licenciement collectif ou individuel pour motif économique
Documenter les décisions de gestion (investissements, restructurations, stratégies) afin de démontrer leur cohérence au regard des enjeux de l’entreprise

En cas de contentieux, ces éléments permettront de démontrer la légitimité du licenciement et de protéger l’entreprise contre un risque prud’homal accru.

Référence juridique
Cass. soc., 12 février 2025, n° 23-22.033
Article L1233-3 du Code du travail

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.

Non-rejection clauses in employment contracts: a legal trap for employers to avoid

Introduction :
Certaines entreprises, soucieuses de protéger leur effectif et leur savoir-faire, insèrent dans les contrats de travail des clauses interdisant aux salariés de recruter leurs anciens collègues après leur départ. En apparence anodines, ces clauses de non-débauchage sont en réalité illicites lorsqu’elles figurent dans un contrat de travail. Employeurs, attention : une telle clause peut être requalifiée en clause de non-concurrence déguisée, avec des conséquences juridiques sérieuses.

Le cadre juridique applicable :
La clause de non-débauchage est classiquement utilisée entre deux entreprises, dans le cadre de contrats commerciaux ou de partenariats, pour éviter une captation de main-d’œuvre. En revanche, lorsqu’elle est imposée à un salarié dans son contrat de travail, elle est considérée comme limitant sa liberté d’emploi et de travail. Dans ce cas, elle s’apparente à une clause de non-concurrence et doit donc répondre aux critères fixés par la jurisprudence :
Temporalité et territorialité définies
Proportionnalité aux intérêts légitimes de l’entreprise
Contrepartie financière versée au salarié

À défaut, la clause est réputée non écrite.

Analyse de jurisprudence :
La Cour de cassation, dans plusieurs décisions constantes, a rappelé qu’une clause interdisant à un salarié de “démarcher ou recruter des anciens collègues” après la rupture du contrat de travail devait être analysée comme une clause de non-concurrence. À ce titre, l’absence de contrepartie financière ou de limitation précise dans le temps ou l’espace entraîne son invalidité. Par exemple, dans un arrêt du 15 mars 2023 (n°21-19.122), la Cour a annulé une telle clause pour non-respect des critères précités.

Conséquences pratiques pour les employeurs :
Insérer une clause de non-débauchage dans un contrat de travail, sans respecter les conditions d’une clause de non-concurrence, peut non seulement la rendre inopérante, mais aussi fragiliser l’ensemble du contrat. Le salarié pourrait contester la clause, réclamer une indemnité ou même faire reconnaître une entrave à sa liberté professionnelle. De plus, une clause jugée abusive peut nuire à l’image de l’entreprise en cas de contentieux.

Conseil de l’avocat :
Avant de chercher à verrouiller les pratiques de recrutement post-rupture, il est essentiel d’évaluer les risques juridiques. Préférez une clause de non-concurrence licite, dûment encadrée, ou sécurisez la question du débauchage via des accords inter-entreprises. Et surtout, évitez de rédiger des clauses hybrides qui mêlent des interdictions sans cadre précis : elles seront presque toujours sanctionnées. Faites-vous accompagner par un avocat en droit du travail pour auditer vos modèles contractuels.

Références juridiques :
• Article L1121-1 du Code du travail (liberté du travail)
• Cass. soc., 15 mars 2023, n°21-19.122
• Cass. soc., 2 juin 2010, n°08-44.977

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.

Loss of driver’s license by a travelling manager: is dismissal for serious misconduct justified?

Responsable RH consultant un dossier d’un cadre itinérant ayant perdu son permis de conduire, dans un bureau moderne

Lorsqu’un salarié dont les fonctions impliquent des déplacements fréquents perd son permis de conduire, la tentation pour l’employeur de le licencier pour faute grave peut sembler légitime. Mais est-ce juridiquement fondé ? La Cour de cassation vient de rappeler les contours stricts de cette sanction extrême.

Perte de permis : une situation fréquente mais encadrée

Les cadres itinérants – consultants, technico-commerciaux, ingénieurs d’affaires – sont nombreux à passer une part importante de leur temps sur la route. Pour ces salariés, la détention d’un permis de conduire valide semble aller de soi. Pourtant, la suspension, le retrait ou l’annulation du permis ne permettent pas toujours un licenciement immédiat, et encore moins pour faute grave.

Le 22 janvier 2025, la Cour de cassation a apporté un éclairage important dans un arrêt très attendu.

Ce que dit le droit : pas de licenciement automatique

Dans son arrêt du 22 janvier 2025 (Cass. soc., n° 23-20.792), la Cour de cassation rappelle qu’un licenciement pour faute grave suppose une violation suffisamment caractérisée des obligations du salarié, rendant impossible son maintien dans l’entreprise, même provisoire.

Or, la perte du permis n’est pas automatiquement fautive. Un excès de vitesse isolé, même s’il entraîne une suspension temporaire du permis, ne suffit pas en lui-même à justifier un licenciement pour faute grave.

L’employeur doit prouver deux choses :

  1. Que l’absence de permis empêche concrètement l’exécution des missions ;

  2. Qu’aucune solution alternative n’est envisageable (transports en commun, co-voiturage, réaffectation temporaire).

Ce que dit la jurisprudence : une appréciation au cas par cas

Dans l’affaire jugée en janvier 2025, un cadre itinérant avait perdu son permis après un excès de vitesse. L’employeur avait immédiatement engagé une procédure de licenciement pour faute grave. Pourtant, le salarié avait proposé des solutions transitoires (co-voiturage avec un collègue, télétravail partiel, missions sédentaires).

La Cour a estimé que l’entreprise ne pouvait pas invoquer la faute grave sans avoir étudié ces alternatives. Elle a aussi rappelé que l’entreprise a une obligation de prévention, notamment en matière de sécurité routière, et qu’elle ne peut se contenter de sanctionner sans agir en amont.

Les conséquences pratiques pour les employeurs

Ce rappel à l’ordre de la Cour de cassation invite les employeurs à faire preuve de prudence et à analyser chaque situation individuellement :

  • Un salarié privé de permis ne peut pas être licencié pour faute grave sans démonstration d’une impossibilité d’aménagement.

  • L’absence de permis peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, mais pas nécessairement grave.

  • L’entreprise doit montrer qu’elle a tenté d’identifier des alternatives ou solutions provisoires.

Le conseil de l’avocat

Avant d’engager une procédure disciplinaire en cas de perte de permis, vérifiez les points suivants :

  • Le permis est-il expressément exigé dans le contrat ou la fiche de poste ?

  • Existe-t-il des moyens d’aménagement provisoire (chauffeur, transports collectifs, coworking) ?

  • Une politique de sensibilisation aux risques routiers est-elle mise en place ?

Si la perte du permis est liée à un comportement fautif, l’analyse sera différente selon que ce comportement ait été isolé, répété ou d’une particulière gravité.

Enfin, n’oubliez pas que la faute grave prive le salarié de préavis et d’indemnités : les juridictions sont donc particulièrement exigeantes quant à sa caractérisation.

Références juridiques

Cour de cassation, chambre sociale, 22 janvier 2025, n° 23-20.792
Articles L1232-1 et L1234-1 du Code du travail (procédure de licenciement et indemnités)

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.

Dismissal of an employee on sick leave: what employers need to know

Responsable RH consultant un dossier de licenciement lié à une absence prolongée pour arrêt maladie

Introduction
Un salarié en arrêt maladie peut-il être licencié sans risque pour l’employeur ? La question est sensible et fréquente dans les entreprises, notamment les PME où chaque absence peut rapidement désorganiser le fonctionnement interne. Si la protection du salarié malade est un principe fort en droit du travail, elle connaît des limites. Un arrêt de travail prolongé ou répété peut, dans certaines conditions strictes, justifier un licenciement. La récente décision de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 apporte des précisions importantes pour les employeurs.

Le cadre juridique du licenciement pendant un arrêt maladie
En principe, l’état de santé d’un salarié ne peut, en tant que tel, constituer un motif de licenciement (article L1132-1 du Code du travail). Licencier un salarié uniquement en raison de son arrêt maladie est donc discriminatoire et entraîne la nullité du licenciement.
Cependant, la jurisprudence admet une exception : un employeur peut licencier un salarié absent pour maladie si cette absence cause une désorganisation importante de l’entreprise et nécessite son remplacement définitif. Cette position, constante depuis plusieurs années, exige toutefois une démonstration rigoureuse des faits.

L’analyse de l’arrêt du 13 septembre 2023 (Cass. soc., n° 21-11.432)
Dans cette affaire, un employeur avait licencié un salarié en arrêt maladie prolongé, en invoquant une perturbation significative de l’organisation de son entreprise. Le salarié a contesté, estimant que son licenciement était fondé uniquement sur son état de santé.
La Cour de cassation a validé le licenciement, en rappelant les deux conditions essentielles :

  1. L’absence du salarié doit engendrer une véritable désorganisation, objectivement démontrable (répartition des tâches perturbée, surcharge pour les autres salariés, perte de marchés, etc.).

  2. Le remplacement du salarié doit être définitif, et non temporaire (embauche en CDI, contrat ferme et pérenne).
    En l’espèce, l’employeur avait apporté la preuve d’une réorganisation contrainte et du recrutement d’un remplaçant en CDI, rendant le licenciement légitime.

Conséquences pratiques pour les employeurs
Cet arrêt confirme que le licenciement d’un salarié malade reste possible, mais uniquement dans des circonstances bien précises.
Les PME doivent ainsi :

  • Évaluer précisément l’impact de l’absence sur l’organisation de l’entreprise

  • Documenter toute démarche de réorganisation ou surcharge subie

  • Justifier le caractère définitif du remplacement
    Sans ces éléments, le licenciement pourra être annulé pour discrimination fondée sur l’état de santé, avec à la clé une réintégration possible ou une indemnisation importante.

Conseil de l’avocat
Avant d’envisager un licenciement pour absence prolongée, il est essentiel d’établir un dossier solide : analyse de l’activité impactée, difficultés rencontrées, preuves concrètes de désorganisation, justificatif du recrutement définitif.
Une consultation en amont avec un avocat vous permettra de sécuriser la procédure et d’éviter tout risque de contentieux.
Attention également à ne pas cumuler ce type de licenciement avec d’autres éléments touchant à l’état de santé du salarié (accident du travail, maladie professionnelle), qui bénéficient d’une protection renforcée.

Références juridiques

 

  • Code du travail, article L1132-1

  • Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 21-11.432

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.

Is disagreement between colleagues sufficient grounds for dismissal?

Dans les PME comme dans les grandes entreprises, les tensions au sein d’une équipe peuvent vite impacter le climat de travail. Mais que faire lorsqu’un salarié présente des difficultés relationnelles récurrentes avec ses collègues ? L’employeur peut-il s’appuyer sur ces éléments pour procéder à un licenciement ? Une récente décision de la Cour de cassation vient rappeler un principe fondamental en matière de licenciement disciplinaire.

Difficultés relationnelles au travail : le cadre juridique

Le licenciement d’un salarié repose obligatoirement sur une cause réelle et sérieuse. Celle-ci peut être disciplinaire (faute du salarié) ou non disciplinaire (insuffisance professionnelle, trouble objectif, etc.). La qualification du motif est essentielle, car elle détermine la procédure applicable et les droits du salarié.

Lorsqu’un employeur engage une procédure disciplinaire, il doit démontrer une faute clairement identifiable, liée à un manquement aux obligations contractuelles ou au règlement intérieur. À défaut, le licenciement peut être requalifié, voire jugé sans cause réelle et sérieuse.

Ce que dit la jurisprudence : Cass. Soc., 12 juin 2024, n° 22-12.416

Dans l’affaire examinée le 12 juin 2024, un salarié – responsable de la validation interne – était licencié pour cause réelle et sérieuse en raison de mésententes persistantes avec ses collègues, provoquant un climat de tension permanent.

Le salarié a contesté la rupture de son contrat, arguant que le motif invoqué relevait du disciplinaire. La Cour de cassation lui donne raison :

« Les difficultés relationnelles, aussi réelles soient-elles, ne constituent pas une faute disciplinaire. »

Elle précise que l’employeur ne peut fonder un licenciement disciplinaire sur de simples mésententes. En l’espèce, en l’absence de faits fautifs caractérisés, le motif disciplinaire était inadapté.

Conséquences pratiques pour les employeurs

Cette décision illustre l’importance de bien qualifier le motif de licenciement. Une erreur de qualification peut entraîner la requalification du licenciement et exposer l’entreprise à des dommages-intérêts pour licenciement injustifié.

Ainsi, si des tensions relationnelles affectent le bon fonctionnement d’une équipe, l’employeur doit :

  • documenter objectivement les difficultés (entretiens, témoignages, impacts sur l’organisation),

  • envisager d’abord des solutions alternatives (médiation, recadrage, réorganisation),

  • et, en cas de rupture du contrat, éviter la procédure disciplinaire, sauf comportement fautif avéré.

Le conseil de l’avocat

Avant d’engager toute procédure de licenciement pour mésentente ou difficulté relationnelle, faites analyser précisément la situation. Un accompagnement juridique vous permettra de choisir la stratégie la plus adaptée :

  1.  licenciement pour insuffisance professionnelle,
  2. trouble objectif au fonctionnement du service,
  3. ou en dernier recours, licenciement pour faute si celle-ci est caractérisée.

Enfin, pensez à former vos managers à la gestion des conflits internes, afin de prévenir les situations à risque et éviter l’escalade judiciaire.

Références juridiques

Cass. Soc., 12 juin 2024, n° 22-12.416
Articles L1232-1 et suivants du Code du travail (cause réelle et sérieuse)

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.

Hiring an employee from a competitor: what are the risks for the employer?

Introduction
Recruter un salarié déjà en poste chez un concurrent peut sembler être une stratégie efficace pour acquérir rapidement des compétences clés ou des contacts commerciaux. Pourtant, cette pratique, connue sous le nom de débauchage, est encadrée par le droit et peut s’avérer risquée pour l’employeur recruteur. Clause de non-concurrence, détournement de clientèle, usage d’informations confidentielles : les risques sont multiples. Une récente décision de la Cour de cassation vient rappeler que l’imprudence peut coûter cher.

Le cadre juridique applicable au débauchage de salarié
En droit du travail, le principe de liberté de travailler permet à tout salarié de changer d’employeur. Toutefois, cette liberté peut être limitée par des clauses contractuelles, notamment la clause de non-concurrence.
Pour être valable, cette clause doit :

  • être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise

  • être limitée dans le temps et l’espace

  • prévoir une contrepartie financière pour le salarié

Lorsque cette clause est respectée, le salarié ne peut rejoindre une entreprise concurrente pendant la durée prévue. Si l’employeur recruteur a connaissance de cette clause, il engage sa responsabilité en cas de violation.

Par ailleurs, même en l’absence de clause de non-concurrence, l’employeur peut être sanctionné en cas de débauchage accompagné de pratiques déloyales : détournement de clientèle, incitation à rompre un contrat, ou encore utilisation d’informations confidentielles.

L’analyse d’un cas concret : la décision de la Cour de cassation du 5 juillet 2023
Dans l’arrêt Cass. Com., 5 juillet 2023, n° 22-15.678, une entreprise a été condamnée pour avoir recruté un salarié en connaissance de sa clause de non-concurrence.
Les juges ont estimé que le nouvel employeur ne pouvait ignorer l’existence de cette clause, et qu’il avait agi délibérément en violation de celle-ci. En conséquence, il a été reconnu coupable de concurrence déloyale.
Ce type de comportement est analysé comme une faute au sens de l’article 1240 du Code civil (anciennement article 1382), engageant la responsabilité délictuelle de l’entreprise.

Conséquences pratiques pour les employeurs
Le débauchage mal maîtrisé peut entraîner des conséquences lourdes pour l’entreprise :

  • Condamnation pour concurrence déloyale, avec versement de dommages-intérêts à l’ancien employeur

  • Atteinte à l’image et réputation entachée auprès des partenaires ou dans le secteur

  • Action en justice potentielle contre le salarié débauché, créant des tensions internes

Il est donc impératif de sécuriser le processus de recrutement, en particulier lorsqu’un salarié provient d’un concurrent direct.

Conseil de l’avocat
Avant de recruter un salarié issu d’un concurrent, il est essentiel de :

  • Vérifier l’existence d’une clause de non-concurrence dans son contrat de travail précédent

  • Demander au salarié de fournir une attestation de mainlevée ou de levée de clause

  • Intégrer une clause déclarative dans le nouveau contrat, par laquelle le salarié confirme ne pas être lié par une clause de non-concurrence

  • Ne jamais inciter un salarié à rompre un contrat ou à transférer des données de son précédent employeur

  • Se faire accompagner par un avocat en droit du travail pour auditer la situation en amont du recrutement

Références juridiques

  • Cass. Com., 5 juillet 2023, n° 22-15.678

  • Article L. 1121-1 du Code du travail : liberté du travail et limites justifiées

  • Article 1240 du Code civil : responsabilité civile pour faute

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.

Teleworking: legal mistakes to avoid to secure your HR practices

Introduction :
Le télétravail s’est imposé dans le paysage professionnel, notamment après la crise sanitaire. S’il offre souplesse et autonomie, il expose aussi l’employeur à des risques juridiques lorsqu’il est mal encadré. Une politique de télétravail mal définie ou non conforme au droit du travail peut entraîner des contentieux, des réclamations de salariés, voire des sanctions de l’inspection du travail. Il est donc essentiel d’adopter une approche rigoureuse pour sécuriser cette organisation du travail.

Le cadre juridique du télétravail : ce que dit le Code du travail
Le télétravail est défini à l’article L1222-9 du Code du travail comme “toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication”.
Le principe fondateur est donc le volontariat : l’accord du salarié est indispensable, sauf circonstances exceptionnelles (notamment pandémie ou cas de force majeure, comme précisé à l’article L1222-11).
Le télétravail peut être mis en place par un accord collectif ou, à défaut, par une charte élaborée après avis du CSE. En l’absence de ces documents, un avenant au contrat de travail est recommandé pour formaliser les modalités convenues.

Jurisprudence : les juges rappellent l’importance d’un encadrement clair
Plusieurs décisions récentes ont confirmé les risques liés à un télétravail mal encadré.
👉 Cour d’appel de Paris, 9 mars 2022 : un salarié obtient la reconnaissance de frais professionnels non remboursés liés à son activité en télétravail (factures d’électricité et abonnement internet), l’employeur n’ayant prévu aucune prise en charge dans un document écrit.
👉 Cour de cassation, 17 février 2021, n° 19-13.883 : l’imposition unilatérale du télétravail sans accord préalable du salarié est jugée illicite en dehors de circonstances exceptionnelles.
👉 Autre exemple, dans une décision du tribunal judiciaire de Nanterre (2021), une entreprise a été rappelée à l’ordre pour ne pas avoir respecté le droit à la déconnexion de ses salariés en télétravail.

Les conséquences pratiques pour les employeurs
Un télétravail mal encadré peut avoir de multiples impacts pour l’entreprise :

  • Réclamations financières pour frais non remboursés

  • Remise en cause de la validité des horaires et des contrôles de l’activité

  • Sanctions potentielles en cas de non-respect du droit à la déconnexion

  • Contentieux prud’homaux sur le caractère volontaire ou imposé du télétravail

  • Tensions sociales et démotivation liées à une absence de règles claires

Conseil de l’avocat : sécurisez votre politique télétravail en 5 étapes

  1. Formalisez une charte ou un accord collectif définissant les conditions de recours au télétravail : jours autorisés, plages horaires, fréquence, contrôle de l’activité, règles de sécurité informatique.

  2. Prévoyez un avenant au contrat de travail lorsque la situation individuelle du salarié l’exige.

  3. Identifiez et remboursez les frais professionnels liés au télétravail, dans les conditions prévues par l’URSSAF.

  4. Mettez en place une politique claire de droit à la déconnexion : horaires de disponibilité, non-sursollicitation en dehors du temps de travail.

  5. Assurez la formation des managers pour qu’ils encadrent correctement les équipes à distance tout en respectant les droits des salariés.

Références juridiques :

  • Article L1222-9 du Code du travail

  • Article L1222-11 du Code du travail

  • Cour d’appel de Paris, 9 mars 2022

  • Cour de cassation, 17 février 2021, n° 19-13.883

Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.