Lorsqu’un arrêt maladie s’éternise, les conséquences pour l’entreprise peuvent être lourdes : désorganisation des équipes, coûts de remplacement, tensions internes… C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’une maladie professionnelle, dont la reconnaissance entraîne une prise en charge spécifique par la CPAM. Mais que faire lorsqu’un employeur estime que la durée de l’arrêt est excessive ou injustifiée ? Peut-il demander une réévaluation indépendante ? Et comment agir si la CPAM ne coopère pas ? Une décision récente de la cour d’appel de Lyon apporte des éléments de réponse concrets.
Le cadre juridique : arrêt maladie professionnelle et rôle de la CPAM
La reconnaissance d’une maladie professionnelle ouvre droit à une indemnisation renforcée pour le salarié, financée par la branche AT/MP de la Sécurité sociale. L’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale définit les conditions de cette reconnaissance. Une fois admise, l’arrêt de travail est indemnisé sans délai de carence et sans conditions d’ouverture de droits. Toutefois, la CPAM reste seule juge de la prise en charge, y compris de la durée de l’arrêt.
L’employeur n’a pas accès au dossier médical du salarié, mais peut contester la décision devant la Commission de recours amiable, puis devant le pôle social du tribunal judiciaire. Il peut aussi demander une expertise judiciaire sur la réalité du lien entre l’arrêt et la pathologie déclarée. Cette voie est particulièrement utile lorsque l’employeur soupçonne une prolongation abusive de l’arrêt.
Une affaire récente : deux ans d’arrêt réduits à trois mois
Dans un arrêt du 4 mars 2025, la cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 4 mars 2025, n° RG à préciser) a été saisie d’un litige opposant une PME à la CPAM, à propos d’un arrêt maladie professionnelle de plus de deux ans pour ténosynovite. L’employeur contestait la durée de l’arrêt, estimant qu’elle ne se justifiait pas au regard de la pathologie en cause.
Le juge a ordonné une expertise judiciaire sur pièces, afin d’évaluer si l’intégralité de l’arrêt était bien imputable à la maladie reconnue. L’expert a conclu que seuls trois mois étaient directement liés à la pathologie initiale. Fait notable : la CPAM a refusé de transmettre certains éléments du dossier médical à l’expert, compromettant ainsi sa propre position. La cour d’appel a confirmé le rapport d’expertise et débouté la CPAM, considérant qu’elle ne pouvait utilement critiquer des conclusions qu’elle avait empêchées de se fonder sur un dossier complet.
Conséquences pratiques pour les PME
Cette affaire illustre qu’un employeur n’est pas totalement démuni face à une décision de la CPAM qu’il juge excessive. Il peut agir et demander un réexamen judiciaire, notamment par voie d’expertise. Cela peut permettre de rétablir une évaluation plus objective de la situation médicale du salarié, et de limiter les effets d’un arrêt prolongé injustifié sur l’organisation de l’entreprise.
En pratique, ce type de recours peut être envisagé lorsque l’employeur dispose d’éléments factuels laissant supposer une déconnexion entre l’arrêt et la pathologie déclarée : durée disproportionnée, avis médical divergent, évolution professionnelle ou comportement du salarié en contradiction avec l’arrêt.
Conseil de l’avocat
Pour sécuriser ce type de contentieux, il est essentiel d’anticiper. L’employeur doit :
-
conserver toute la documentation relative à l’arrêt (dates, certificats médicaux, correspondances avec la CPAM),
-
solliciter un avis médical contradictoire s’il existe un doute sérieux,
-
faire appel à un avocat pour engager la procédure devant le tribunal judiciaire, avec demande d’expertise indépendante,
-
insister, lors de l’expertise, sur la nécessité d’accès aux pièces médicales pertinentes,
-
et veiller au respect du contradictoire tout au long de la procédure.
Cette démarche, bien que juridiquement complexe, peut aboutir à une réduction significative de la durée prise en charge au titre de l’AT/MP, avec des conséquences financières importantes pour l’entreprise.
Références juridiques
Code de la sécurité sociale, article L. 461-1
Cour d’appel de Lyon, 4 mars 2025 (référence RG à compléter selon publication)
Conclusion
Un arrêt maladie d’origine professionnelle n’est pas toujours incontestable. Lorsqu’un doute sérieux existe sur sa durée, l’entreprise a la possibilité d’agir et de demander une expertise judiciaire. Cette démarche, bien menée, peut aboutir à une décision plus équilibrée, notamment si la CPAM manque à son obligation de coopération. Besoin de sécuriser vos pratiques RH ? Le cabinet vous accompagne.