Introduction
Un salarié en arrêt maladie peut-il être licencié sans risque pour l’employeur ? La question est sensible et fréquente dans les entreprises, notamment les PME où chaque absence peut rapidement désorganiser le fonctionnement interne. Si la protection du salarié malade est un principe fort en droit du travail, elle connaît des limites. Un arrêt de travail prolongé ou répété peut, dans certaines conditions strictes, justifier un licenciement. La récente décision de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 apporte des précisions importantes pour les employeurs.
Le cadre juridique du licenciement pendant un arrêt maladie
En principe, l’état de santé d’un salarié ne peut, en tant que tel, constituer un motif de licenciement (article L1132-1 du Code du travail). Licencier un salarié uniquement en raison de son arrêt maladie est donc discriminatoire et entraîne la nullité du licenciement.
Cependant, la jurisprudence admet une exception : un employeur peut licencier un salarié absent pour maladie si cette absence cause une désorganisation importante de l’entreprise et nécessite son remplacement définitif. Cette position, constante depuis plusieurs années, exige toutefois une démonstration rigoureuse des faits.
L’analyse de l’arrêt du 13 septembre 2023 (Cass. soc., n° 21-11.432)
Dans cette affaire, un employeur avait licencié un salarié en arrêt maladie prolongé, en invoquant une perturbation significative de l’organisation de son entreprise. Le salarié a contesté, estimant que son licenciement était fondé uniquement sur son état de santé.
La Cour de cassation a validé le licenciement, en rappelant les deux conditions essentielles :
L’absence du salarié doit engendrer une véritable désorganisation, objectivement démontrable (répartition des tâches perturbée, surcharge pour les autres salariés, perte de marchés, etc.).
Le remplacement du salarié doit être définitif, et non temporaire (embauche en CDI, contrat ferme et pérenne).
En l’espèce, l’employeur avait apporté la preuve d’une réorganisation contrainte et du recrutement d’un remplaçant en CDI, rendant le licenciement légitime.
Conséquences pratiques pour les employeurs
Cet arrêt confirme que le licenciement d’un salarié malade reste possible, mais uniquement dans des circonstances bien précises.
Les PME doivent ainsi :
Évaluer précisément l’impact de l’absence sur l’organisation de l’entreprise
Documenter toute démarche de réorganisation ou surcharge subie
Justifier le caractère définitif du remplacement
Sans ces éléments, le licenciement pourra être annulé pour discrimination fondée sur l’état de santé, avec à la clé une réintégration possible ou une indemnisation importante.
Conseil de l’avocat
Avant d’envisager un licenciement pour absence prolongée, il est essentiel d’établir un dossier solide : analyse de l’activité impactée, difficultés rencontrées, preuves concrètes de désorganisation, justificatif du recrutement définitif.
Une consultation en amont avec un avocat vous permettra de sécuriser la procédure et d’éviter tout risque de contentieux.
Attention également à ne pas cumuler ce type de licenciement avec d’autres éléments touchant à l’état de santé du salarié (accident du travail, maladie professionnelle), qui bénéficient d’une protection renforcée.
Références juridiques
Code du travail, article L1132-1
Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 21-11.432